Vu de ma tasse
Domenica. Neuf heures. Tôt pour un dimanche. Un homme de corpulence généreuse gare sa Panda sous un tilleul. Elle est blanche, un modèle 1985 sans les énormes caoutchoucs noirs qui protégeaient les portières. Dommage que la Fiat les ai enlevés.
L’homme fait trois pas en arrière et juge si l’auto restera dans l’ombre. Il ouvre le hayon et sort une magnifique bicyclette. Elle a dû couter dix fois le prix de sa voiture. Il en a sûrement une meilleure dans son garage. La Panda c’est quand il transporte son vélo pour rouler le jour du seigneur.
L’homme ferme son capot et disparaît derrière la butte d’herbe et de goudron.
Seul sur son vélo. Sa femme est à la maison.
Elle tolère ses escapades hebdomadaires. Ça lui permet de téléphoner à sa mère pendant plus d’une heure sans commentaires.
Quand elle raccroche le téléphone et lui son cadre, ils s’embrassent et parlent de la vie comme elle va ici dans les collines de Magione.
Ma tasse est vide.
Passe une douzaine de Vespa suivies d’un nuage bleu et d’une odeur que seul les connaisseurs apprécient. Magione 16 juin 2024. Neuf heures.
Rome de 3 à 5
Il est souvent difficile de se souvenir de nos rêves. Cette nuit j’ai rêvé debout. Et je m’en souviens.
Objectif Rome. Nom de code : « un pneu au Vatican ». Le plus petit pays du monde. 44 fois la place Saint Lambert.
Le Vatican est une forteresse. Il n’existe que très peu d’issues ( pour garder les curés loin des enfants je suppose ).
Pour ajouter cette destination prestigieuse à mon palmarès j’ai mis Googlemaps et mon GPS à l’épreuve. Un seul un boulevard amenant à StPierre est commun avec Rome et la Cité du Vatican.
ROME.
Trois heures du matin. Pas de voitures dans les rues et quelques jeunes filles téméraires sur les trottoirs. Des touristes à peine habillées. Viendront pas se plaindre si le sang romain s’échauffe…
Rouler seul dans ce Paris-latin ressemble à la visite d’une planète dévastée par une attaque bionique. A cette heure, les maisons sont debout mais il reste peu de survivants.
Je peux poser ma moto devant les monuments déserts toujours infestés de touristes.
La Fontaine de Trevi comprise. Aucun candidat à la baignade. « La dolce vita » est éteinte. Marcello est mort, Anita est énorme et Fellini a son musée à Rimini.
Je roule et tourne.
Pour atteindre mes objectifs, je suis obligé de prendre une tonne de sens uniques. Après plusieurs kilomètres dans un piétonnier truffé de boutiques de luxe, je me fais gronder par un Carabinieri. Un gros doigt et je repars. Nous sommes à Rome.
Je pose la moto au milieu de boulevards déserts.
Le moteur coupé, je savoure le silence. Si rare, à peine souligné par le souffle d’un conditionnement d’air.
Quatre heures du mat. J’ai un frisson.
Je rentre et me couche sous la toile et m’endors.
J’ai du rêver.
De quoi rêve-t-on quand on vit ses rêves ?
Rome 17 juin 4 heures du mat.